Plus jamais de service de presse sur Textualités…

Plusieurs fois déjà, nous avons été tentés. Cela commence par un mail d’une maison d’édition, nous proposant un ou deux livres à chroniquer : un auteur à découvrir, une présentation du livre bien souvent intéressante, une maison d’édition respectable, un envoi gratuit, une chronique en contrepartie. Bref, un service de presse (SP pour les intimes), pratique très répandue dans le journalisme professionnel et dans les blogs littéraires. Cette fois-ci, après un contact des Éditions du Tripode, nous avons décidé d’essayer. Bilan ? Plus jamais, chers lecteurs, chères lectrices, tant nous avons compris que cela allait complètement à l’encontre de notre démarche sur Textualités.

Franchement, en recevant le livre, nous avons tous les deux eu une pointe de fierté : je crois que n’importe quel amateur de livres serait intéressé d’avoir, dans sa collection, un livre d’avant l’impression pour le grand public : une couverture neutre, sans titre ni nom d’auteur, seul un tampon, apposé sur la 4ème de couverture, donnant un indice sur son contenu : « Le Grand Trip’, édition collector ». A l’intérieur, un dossier destiné à la presse : des « premiers retours » élogieux de libraires principalement, puis une longue interview de l’auteur. Première impression plutôt positive, donc.

Puis, nous avons commencé à le lire.

Nous n’avons pas aimé ce livre, au point de n’avoir pu le terminer. Cependant, quel serait l’intérêt d’en faire une critique négative ? Ce genre de critique peut se justifier dans le cas, rare, où nous aurions le sentiment d’avoir été trahis, ou trompés sur le contenu ou l’écriture d’un livre. Là, non, ce n’est simplement pas notre truc, c’est tout. En quoi serions-nous légitimes pour simplement en parler ? Car c’est bien là le problème : nous n’avons rien à en dire…

On peut tout de même présenter le livre : Crépuscules, écrit par Joël Casséus, paraîtra le 1er mars prochain. Il raconte le parcours de plusieurs personnages, anonymes, réfugiés d’une guerre anonyme dans un pays anonyme. C’est un roman choral, alternant les points de vue des personnages dans un cadre crépusculaire hanté par la guerre.

Pour le reste, nous pourrions parler des choix d’écriture, légitimes, mais auxquels nous n’avons pas souscrit, ou encore aux références littéraires évidentes, dont le texte ne nous semble pas rendre justice. Quel intérêt aurions-nous à dresser un tableau si négatif ? Qui sommes-nous pour juger d’un travail qui est, selon toute vraisemblance, une démarche sincère d’un passionné de la littérature ? Autant dire du mal du travail d’un passionné de peinture parce que les tableaux du musée d’Orsay sont tellement mieux…

Finalement, ce qui s’est passé avec ce service de presse, c’est ce que nous voulions absolument éviter, dès la création de Textualités : devoir écrire un article sous la contrainte et devoir rendre un travail qui ne nous intéresse pas. Nombreux sont les livres que nous aimons et qui ne donnent pas lieu à un article : il ne suffit pas d’aimer un livre (ce qui est déjà beaucoup), il faut aussi avoir quelque chose d’intéressant à en dire… Écrire est alors pour nous le moyen de mettre de l’ordre dans nos idées après une lecture qui nous a intéressés, de comprendre les raisons de notre intérêt et de les partager. Quelques chroniques ont d’ailleurs été abandonnées, car elles n’auraient été que la transcription évidente de parcours de lecture parfaitement clairs. Écrire doit être un dévoilement pour celui qui écrit (en ne présupposant d’ailleurs pas forcément que cela en soit un pour les lecteurs, ce qui serait assez présomptueux…).

Donc, nous allons rajouter une précision dans la page de présentation de Textualités : nous n’acceptons plus les services de presse. Toutes nos salutations aux (excellentes) Éditions du Tripode ainsi qu’à Joël Casséus, ce n’est pas contre vous que cette décision est prise, c’est uniquement pour nous.

Et bonnes lectures à tous et à toutes.

Anne et Louis

16 commentaires

  1. Merci pour cet article dans lequel vous mettez en avant la complexité du partenariat. Je comprends votre démarche. De mon côté, si quelque chose (ou tout !) ne me plaît pas dans un livre reçu en partenariat, je le dis. Je conçois mes chroniques ainsi : les + et les – et je n’hésite donc pas à dire que je n’ai pas aimé / ou moyennement. Dans tous les cas, je préfère choisir ma lecture. Si je pense qu’un livre que l’on me propose ne me plaira pas, je le refuse gentiment et « reste disponible » pour une prochaine fois. Je ne dois pas oublier que les SP m’ont fait faire des découvertes que je n’aurais jamais faites si je n’avais pas été en contact avec certaines maisons d’éditions. Chacun doit y trouver son compte et cela ressemble plus à un « équilibre »…

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    1. Merci pour ce témoignage. Même si en théorie, je pense que vous avez parfaitement raison de dire ce qui ne vous plaît pas dans un livre reçu en partenariat (c’est le jeu après tout), il nous a été impossible de le faire en pratique. Nous ne nous sentons pas légitimes à faire une chronique assassine d’un livre que nous n’avons pas choisi ni acheté : on le prend comme un cadeau et on dit merci, même si le cadeau ne nous plaît pas. Je pense que notre attitude provient de notre inexpérience en la matière, mais jamais plus nous ne voulons nous trouver dans une situation si embarrassante.

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      1. Et je vous comprends tout à fait, j’ai envie de le répéter. J’ai eu la chance d’obtenir des partenariats dès mes débuts de blogueuse, il y a 10 ans maintenant. Depuis, mes goûts littéraires ont évolué, se sont affinés. J’ai mis des années avant de décider de ne pas lire ce que je recevais mais n’avais pas demandé (sauf si cela me tentait évidemment), et pas mal de temps avant de réussir à prendre du recul et tenter de comprendre ce qui pouvait avoir plu à l’éditeur et qui pourrait plaire au lecteur, à chercher où est l’intérêt de tous (même s’il n’est que financier). Je ne veux en tout cas pas perdre ma liberté d’opinion et d’expression. Je souhaite également ne pas tomber dans le piège de « la vache à lait » que sont un peu devenues certains blogueurs. Mon rapport à la lecture et aux livres est tellement fort que cela a été un vrai travail, quoiqu’on en pense. 🙂

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    2. Votre démarche pour comprendre ce qui a plu à l’éditeur·rice et à d’éventuel·le·s lecteur·trice·s me paraît parfaitement honorable mais c’est justement ce que nous nous refusons à faire sur Textualités, dans la mesure où elle implique un regard professionnel. J’ai une formation en édition, donc je suis parfaitement à même de déterminer rapidement quels arguments mettre en valeur pour vendre un livre, j’ai été formée pour. Sur le blog, nous cherchons au contraire à mettre à distance ce regard professionnel pour proposer un discours personnel de lecteur et de lectrice lambda sur la littérature. Ça a été un long travail de parvenir à valoriser le goût personnel au détriment d’un discours académique et/ou éditorial (nous sommes tous les deux, en plus, diplômés de lettres modernes). Chacun et chacune a un rapport à la lecture propre à son histoire, ce qui permet à mon avis une si grande variété de blogs littéraires, avec des lignes éditoriales si différentes, et c’est une grande richesse 🙂

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  2. Généralement, j’aime bien cette maison d’édition : « le tripode » Je n’ai été contacté qu’une seule fois par une autre maison d’édition et comme j’avais adoré le livre cela s’est bien passé. Par contre, j’ai aussi participé au match de la rentrée littéraire organisé par… Et là, catastrophe, j’ai détesté. Cependant, comme je devais en dire quelque chose et bien j’en ai dit du mal, mais c’est vrai que c’est compliqué…

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    1. On aime aussi cette maison d’édition qui prend des risques et propose des textes souvent intéressants (avec un travail éditorial très soigné), c’est d’ailleurs pour ça qu’on a accepté un service de presse avec elle, pensant ne pas prendre trop de risques… Perdu ! C’est peu la loterie, et nous ne sommes pas très joueurs…

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  3. Bon jour,
    L’essentiel est de garder sa propre nature et ne pas se dénaturer car s’il était ainsi votre critique manquerait de sincérité. Et vous avez fait votre choix et cela vous honore.
    Max-Louis

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    1. Merci beaucoup ! C’est exactement notre démarche : la sincérité. Nous n’avons rien contre le principe du service de presse ni contre ceux et celles qui les acceptent, il s’avère simplement que cette manière de lire ne nous convient pas 🙂

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  4. Article très intéressant !
    Personnellement, ce que je fais désormais, c’est que je ne lis en SP que des livres que je souhaitais lire de toute façon. Je n’accepte plus les demandes, mais j’en formule parfois, sur NetGalley ou via d’autres moyens. Enfin, on parle de deux ou trois livres par an, pas plus, parce que la plupart du temps je change de planning de lecture comme de chemise, ce qui ne s’inscrit difficilement dans une logique de partenariat 😉
    Bonne continuation à tous les deux !

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  5. Votre article a le mérite d’être très franc et c’est à souligner, car on lit beaucoup de critiques réservées, négatives sans trop oser l’être, de la part de blogueurs qui n’ont pas aimé leur livre reçu en SP mais qui préfèrent cacher leur vrai avis de peur de se fermer des portes… Je pense simplement que Le Tripode n’a pas cerné la ligne de votre blog : ce n’est pas un carnet de lecture méthodique, mais un espace où donner corps aux sensations et aux parcours de lecture qui en valent la peine, donc il y a forcément une sélection en amont (et le risque, à je ne sais quel ratio, de ne pas voir le SP chroniqué, ce qui n’a aucun intérêt pour la maison d’édition…)
    Pour ma part, mon premier SP reçu en tant que blogueuse fut aussi mon dernier : une vraie catastrophe à propos de laquelle j’avais écrit sans retenue ! (Mais c’est aussi la ligne de mon blog, donc je ne m’étais aucunement sentie coupable, et ça m’avait donné l’occasion de dialoguer avec l’auteur qui fort heureusement avait très bien pris ma critique).
    Je comprends que les maisons aient de plus en plus besoin des blogueurs pour assurer le lancement de leurs titres (et que dire des autoédités !), mais je préfère pour ma part (du moins je préférais, avant de devenir libraire et de ne plus lire que de la nouveauté pour le boulot) ne pas céder aux sirènes et rester maîtresse de mes choix de lecture.
    Bref, nous avons tous un rapport très personnel à notre bibliothèque et à nos bouquins, qu’ils soient prescrits ou non, et quel que soit votre choix, c’est certainement le bon ! Bonne continuation 😄 Lola.

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    1. Merci pour ton commentaire et ton témoignage. J’ai l’impression que les blogueurs et les blogueuses littéraires sont tous, à un moment ou un autre, confrontés à ces fameux services de presse. Tenter l’expérience a au moins le mérite de questionner notre rapport aux livres, à la lecture et à l’écriture aussi, mais surtout de clarifier ce qu’on attend de notre propre blog. Au final, je pense que tu résumes parfaitement ce qu’il doit être : « quel que soit [notre] choix, c’est certainement le bon », un blog étant un espace de liberté pour ceux et celles qui le tiennent.

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  6. Article intéressant pour tous les blogueurs! Je reçois des livres en service de presse d’une maison d’édition et j’ai le privilège de choisir les livres. Cela facilite le travail car cela peut devenir compliqué. Je refuse ceux des autres maisons d’édition car je désire lire pour mon plaisir. Bonne continuation!

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