Un livre numérique est-il un livre ?

Afin d’apporter mon très humble avis à la question qui fait débat autour des livres numériques et leur nature intrinsèque, je vous propose ici un billet très personnel tentant de répondre à cette question : un livre numérique est-il selon moi un livre à part entière ? Mettons un terme immédiat à ce suspens insoutenable : oui, je suis persuadée qu’un livre numérique est bel et bien un livre. Je vous en donne plus bas les raisons, ainsi que quelques éléments de ma récente expérience de lectrice d’ebooks. Comme je l’ai précisé d’entrée, ce billet est un avis personnel : il ne s’agit pas ici d’affirmer que mes opinons sont les bonnes, les justes, les vraies… Il s’agit simplement de mon très humble avis et je ne juge absolument pas ceux qui ne le partagent pas. Je tenais que ceci soit clair afin de ne froisser personne.

Mon rapport aux livres

Bien que je sois une lectrice assidue, ayant toujours un ou plusieurs livres en cours de lecture, je ne suis pas de ceux qui sacralisent ou idolâtrent les livres. D’ailleurs, je ne sacralise aucun objet, aussi culturel soit-il. Je corne les livres, les utilise comme tapis de souris ou comme plateau pour poser mon thé quand je lis au lit, il m’est même arrivé de souligner des passages dans des livres et de les annoter, bien que cette pratique nuise aux relectures. En fait, il y a des amas de livres partout dans mon appartement, dans toutes les pièces, parfois à peu près rangés dans une de nos bibliothèques, souvent traînant par terre ou sur/sous un meuble. Dans cette perspective, il peut sembler évident que j’ai un attachement particulier aux livres, dans la mesure où j’ai besoin d’en être entourée, d’en avoir constamment à portée de main. Néanmoins, il ne s’agit pas d’un attachement aux objets-livres, mais aux œuvres qu’ils recèlent. Je suis terriblement attachée à de nombreux romans, de nombreux recueils de poèmes et de nombreuses BD (je n’aime pas lire de pièces de théâtre, je préfère les voir représentées sur scène). Cependant, si je suis attachée aux Faux-Monnayeurs de Gide, mon édition chez Folio peut être endommagée, ça m’est parfaitement égal, je n’en ferais pas un drame, j’irais simplement acheter en librairie un autre exemplaire…

Certains pensent que le papier est doué d’une « âme », qu’il procure un florilège sensoriel, voire sensuel, au moment de la lecture. La sensation chaleureuse du papier et sa fameuse odeur ! Or, comme nous l’expliquons dans notre article Pourquoi les vieux livres vieillissent-ils plus vite que les très vieux livres ?, cette délicieuse odeur de vieux livres n’émane que des éditions publiées entre 1850 et 1930. Les livres qu’on achète aujourd’hui sentent la colle et le plastique, donc rien de bien exaltant… Je ne pense pas que les livres papier aient, de par leur nature même de papier, une âme (si tant est que l’âme existe). C’est leur contenu qui leur confère. Prenons deux exemples contemporains d’édition papier et numérique.

sarko-consLa France pour la vie de Nicolas Sarkozy a été récemment éditée chez Plon et de nombreux libraires ont reçu, sans les avoir commandés, des cartons pleins de ce livre dans son édition papier. Il s’agit évidemment de ventes forcées, qu’on appelle dans le jargon des libraires « office sauvage ». Les libraires ont évidemment riposté de manière très humoristique, comme je vous laisse en juger avec ci-contre un des exemples qui tournent beaucoup sur les réseaux sociaux. Néanmoins, il s’agit quand même d’un livre papier, il est écrit dans le cadre d’une campagne électorale pour les prochaines présidentielles en France, un simple coup marketing grossier, politique, hypocrite, qui ne cherche qu’à mettre sur le devant de la scène le candidat auteur de ce truc. Et en plus, ça coûte 18.90€ ! Je n’y vois pas beaucoup d’âme…

Il y a quelques mois, le dessinateur Boulet faisait paraître sur son blog une magnifique note intitulée Brassens dans le cosmos. Cette note aussi a fait le tour des réseaux sociaux, car elle a touché au cœur beaucoup de lecteurs. Il s’agit d’une note difficilement publiable dans un format papier, car elle reprend le principe du rouleau. Elle est parfaitement adaptée au média sur lequel elle a été publiée, le blog, car il s’agit d’une longue page web qui se déroule sur plusieurs mètres (une « page Sopalin », comme j’aime à les appeler). Il s’agit donc d’une œuvre numérique, c’est poétique et scientifique, personnel et universel, c’est sincère, et en plus, c’est gratuit. Ça, ça a une âme, assurément !

Ces deux exemples me paraissent avoir une valeur d’exemplum indéniable. Du moins, moi, ça me suffit pour estimer qu’une œuvre n’a pas besoin d’être de papier pour être considérée. Le livre, qu’il soit de papier ou numérique, est un simple support, un média, et non une œuvre. Le livre n’est finalement qu’un moyen de diffusion de textes ou d’images, et sa nature, de papier ou numérique, n’est absolument pas un gage de qualité. Je pense que le débat qui oppose partisans de livre papier et partisans du livre numérique devrait simplement se concentrer sur le confort de lecture que chacun apporte. Seule cette question me paraît pertinente : lire Les Faux-Monnayeurs dans une édition papier ou dans une édition numérique, c’est dans les deux cas lire un très bon roman.

C’est pourquoi je n’ai eu aucun scrupule à faire récemment l’acquisition d’une liseuse et de livres numériques. S’ensuit le récit de ma première expérience de lectrice d’ebook.

Lire un livre numérique

Quelle liseuse ?

Quand j’ai choisi d’acheter une liseuse, j’ai vite été confrontée à un choix éthique, dans la mesure où les deux marques de liseuses les plus populaires et, d’après les tests que j’ai pu lire, les plus satisfaisantes techniquement, sont associées à de grandes enseignes, à savoir Amazon (pour les liseuses Kindle) et la Fnac (pour les liseuses Kobo). J’achète majoritairement mes livres dans les librairies indépendantes de Nantes, même s’il m’arrive d’en acheter aussi la Fnac dont les rayons littéraires sont tenus par des libraires que j’estime parfaitement compétents. Par contre, ma copine libraire m’a clairement interdit d’acheter des livres sur Amazon ! Ainsi, une question éthique s’est posée : acheter des ebooks signifie-t-il vendre mon âme au démon capitaliste qui pourrit notre monde ? Eh bien, si j’avais porté mon choix sur une liseuse Kindle, estampillée Amazon, oui. Mais pourquoi ?

(Attention, il ne s’agit pas ici de juger les clients d’Amazon et les possesseurs d’une liseuse Kindle, mais, compte tenu de la valeur assurément personnelle de ce billet, de simplement mettre en avant le fait qu’acheter chez Amazon ne correspond pas de tout à ma manière de consommer).

Pour répondre à cette question, voici quelques considérations techniques. Un ebook ou livre numérique se présente sous la forme d’un fichier édité dans plusieurs formats, le plus courant étant l’ePub. Dans ce format, on peut trouver plusieurs ebooks gratuits (notamment les œuvres classiques libres de droits), mais aussi des ebooks payants verrouillés avec des DRM (Digital Rights Management). Toutes les liseuses sont compatibles avec ce format à l’exception des liseuses Kindle vendues par Amazon : ces dernières lisent uniquement les ebooks au format AZW qu’on ne trouve, vous l’avez compris, que sur Amazon. Pour faire simple, le système liseuse/ebook fonctionne en vase clos chez Amazon : si vous achetez une liseuse Kindle, vous êtes condamnés à n’acheter vos ebooks que sur Amazon ; si vous acheter une liseuse d’une autre marque, vous ne pourrez par y lire les ebook vendus chez Amazon.

J’ai donc choisi une liseuse Kobo (Glo HD, précisément, qui correspond à un format poche), vendue par la Fnac. Depuis ma liseuse, je peux acheter des ebooks directement depuis la boutique Kobo, mais pas uniquement, dans la mesure où ma liseuse peut lire le format ePub. Je peux donc en acheter à la librairie Coiffard par exemple, librairie indépendante de Nantes qui propose des livres numériques à la vente sur son site Internet. L’honneur est sauf !

J’ai choisi de passer du côté numérique de la lecture pour des raisons évidentes : la plupart des livres numériques sont moins chers et ne sont pas encombrants. Il faut certes prendre en compte le coût d’une liseuse, qui est onéreuse (130€ pour la Kobo Glo HD – encore merci Papa et Maman !), mais, compte tenu de ma consommation de livres, elle va être vite rentabilisée… J’avoue également apprécier le côté « gadget » de la liseuse qui propose de nombreuses fonctionnalités alléchantes et dont je vous parle par la suite. Néanmoins, je n’abandonne pas le papier, je me laisse juste la possibilité de pouvoir choisir entre les deux.

Une lecture numérique

Mon premier ebook a été Un de Baumugnes de Jean Giono, déjà chroniqué sur le blog. J’ai choisi ce livre car je ne l’ai trouvé dans aucune librairie : si l’on trouve facilement Colline et Regain, le deuxième tome de la trilogie de Pan de Giono se fait plus rare.

IMG_4263Une fois que ma liseuse est chargée (et ben oui, elle ne marche pas si sa batterie est vide, c’est sans doute là son point faible par rapport au livre papier !), j’ai dû prendre en compte plusieurs paramétrages. On peut en effet configurer la luminosité de l’écran, la police, la taille des caractères, l’alignement, l’interligne, les marges… J’ai un Master en édition, donc configurer ce genre d’éléments pour créer une mise en page apportant un confort de lecture ne m’est pas étranger : c’est même mon métier. Néanmoins, quels sont les critères d’une mise en page confortable sur liseuse ? La réponse est simple : c’est la même que pour un livre papier. J’ai donc choisi une mise en page pour une lecture de roman sur support papier : une police élégante avec des empattements peu prononcés (mes polices préférées pour les textes littéraires sont les polices Garamond que je trouve particulièrement bien équilibrées : on en retrouve chez Acte Sud ou dans la prestigieuse collection de La Pléiade chez Gallimard), un interligne permettant une lecture aérée (comme chez Folio), des caractères pas trop petits (j’ai 35 ans), etc…

Pour la luminosité de l’écran, qui est une caractéristique propre au numérique, j’ai fait plusieurs tests afin de jouer davantage sur la blancheur de la page que sa lumière. D’ailleurs, pour revenir sur une question qui revient souvent quand on parle de lire sur une liseuse, la luminosité n’est absolument pas inconfortable pour les yeux dans la mesure où la lumière est dirigée vers l’écran (contrairement aux écrans d’ordinateur). L’effet est particulièrement bluffant et on a vraiment l’impression de lire non pas sur un écran mais sur une page de papier. On peut même corner un livre numérique, en cliquant dans le coin en haut à droite de la page et s’indigner de l’avoir fait ! On peut aussi annoter et surligner des passages, effaçables en un clic. Par contre, une liseuse constitue un plateau peu pratique pour y déposer une tasse de thé brûlant, mais peut être un tapis de souris particulièrement satisfaisant sous réserve d’avoir fait l’acquisition d’un étui de protection.

Une fois les paramètres choisis, la lecture peut commencer et là, ma première impression de lecture a été sans appel : « Jamais je vais me faire à ce truc !!! ». Ce n’est pas « normal » : le fait de pouvoir choisir sa mise en page est particulièrement troublant car on se demande dès les premières lignes si l’on ne s’est pas trompé, si la configuration choisie est la bonne. En fait, cette première expérience de lecture m’a rappelé mon premier manga (publié dans le sens japonais) : je me suis dans un premier temps concentrée sur le support, troublant, inhabituel, persuadée que jamais je ne pourrai abandonner mes anciens réflexes de lecture. Et puis, le texte a pris le pas sur son média et en 5 minutes, j’ai oublié que je lisais un livre numérique et me suis plongé dans le roman.

Pour conclure, quelle lecture me semble la plus confortable : la lecture d’un livre papier ou la lecture d’un livre numérique ? Honnêtement, ça m’est parfaitement égal : une fois que je suis plongée dans un texte, son support m’apparaît comme parfaitement secondaire. Je constate seulement que je vais faire de petites économies en termes d’euros et de place dans mon appartement, tout en continuant à acheter des livres chez mon libraire préféré !

Anne

44 commentaires

  1. Bon jour Anne,
    Vos propos sont intéressants et vos arguments sont construits. Cependant, pour ma part, je ne considère pas le livre numérique comme un livre.
    Je ne vais pas écrire un long chapitre pour exposer mon opinion, je n’ai pas les moyens. 🙂
    Quoi qu’il en soit, un livre par sa substance matériel est un corps tatoué de signes et j’aime le prendre en main et en ressentir son volume et sa conception. Et si celui-ci me séduit par son histoire, je suis un homme heureux.
    La liseuse, (j’en ai une) Sony, un achat de 2011. Franchement, ce n’est pas la lecture qui me gênait, mais le fait de prendre en main un morceau de plastique, de recharger, de faire attention à ne pas l’abîmer, de ne pas rayer son écran, bref, avec un livre rien de tout cela.
    Un livre numérique n’est pas un livre dans le sens entendu par le plus grand nombre et du fait de sa conception. Bref, un liseuse oui, un livre, non 🙂
    Max-Louis

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    1. Avant tout, merci de nous faire partager votre avis 🙂
      Je comprends votre point de vue et l’entend effectivement souvent. Je comprends que l’on puisse être attaché aux dimensions sensorielle et affective liées aux livres papier, s’attachant à sentir et ressentir le livre dans sa matérialité, comme vous le précisez dans votre commentaire. Je ne pense néanmoins pas que cela soit suffisant à définir un livre qui, selon moi, est le support de textes et d’images ayant subi un traitement éditorial particulier permettant d’une part un confort de lecture, d’autre part, sa diffusion. Une liseuse éteinte, c’est une liseuse, évidemment. De la même manière, un carnet de pages vierges n’est pas un livre, mais un carnet de pages vierges. Mais le fichier numérique ePub contenant un roman, qu’est-ce sinon un livre ?

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    2. Bien sûr que non, un tapuscrit n’est pas un livre dans la mesure où son contenu n’a subit aucun traitement éditorial en vue de sa diffusion et de sa commercialisation, au contraire du livre numérique.

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  2. Votre point de vue est argumentée et cohérent. Je le partage en grande partie. Je ne suis pas non plus bibliophile. Les deux supports ont leurs avantages et leurs inconvénients, matériels, économiques, éthiques, pratiques. A mon avis, cela dépend surtout du contenu. Le livre numérique est encore jeune et va évoluer je pense, pour faire une part plus grande aux illustrations de toutes sortes, vidéos, GIF, photos, sons, musiques, interview, etc.

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    1. Merci pour votre commentaire. Effectivement, le livre numérique offre des nouvelles possibilités éditoriales, et va, je le pense également, évoluer de plus en plus.
      J’ai vu il y a quelques temps passer une vidéo que je ne retrouve plus et dont je voulais parler dans mon billet. Je profite de votre commentaire pour en glisser deux mots : cette vidéo montrait le dernier roman de Danielewski dans sa version numérique. Danielewski est connu pour repousser les limites de l’édition en proposant des livres aux maquettes originales (comme un livre à lire dans les deux sens, un roman calligrammatique, etc.). Son dernier roman, The Familiar (paru qu’en anglais pour l’instant) propose de sublimes calligrammes, à la manière de la Maison des feuilles, notamment un très beau représentant la pluie. Dans sa version numérique, ce calligramme est animé et met en scène des lettres en gouttes d’eau tombant comme une averse : c’est très beau, très poétique, très créatif.
      Ce genre de création éditoriale n’est possible que dans l’édition numérique et, dans ce cas précis, est une valeur ajoutée par rapport au livre papier. J’espère que ces expérimentations, bien qu’elles resteront sans doute marginales, vont se multiplier afin d’explorer les possibilités artistiques que propose l’édition numérique.

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      1. Très intéressant. Oui, je pense même qu’on peut en arriver un jour à concevoir une forme d’art total, une sorte de livre ou le texte, l’image, le son seraient pleinement associés et complémentaires. Comme il existe en édition papier de somptueux livre pop up. Ce serait d’ailleurs mon ambition concernant la série Sizif, qui s’y prêterait assez bien.

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    2. Une forme d’art total où le texte, l’image, le son seraient pleinement associés et complémentaires, c’est une idée absolument merveilleuse. Je vais suivre ce projet avec un intérêt certain, en espérant qu’il verra la jour.

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  3. Article très bien détaillé comme toujours… Merci, Anne, pour ce retour d’expérience et ce point de vue que je ne partage pas tout à fait. Un livre numérique est bien un livre, mais un livre que je préfère éviter. J’aime posséder l’objet livre, en dehors de toute question d’odeurs et autres, mais je veux simplement avoir le livre chez moi. Qui plus est, je me méfie des liseuses pour plusieurs raisons. Je vais essayer de faire vite… D’une part, je trouve incompréhensible que personne ne s’offusque du fait que vos livres peuvent être supprimés à distance par le vendeur en toute légalité. Pour l’instant, cette chose est très peu pratiquée, mais qui sait ce que l’avenir nous réserve ? D’autre part, la dématérialisation passe toujours par un appauvrissement qualitatif de l’œuvre avant de rattraper plus ou moins son retard. Pour la musique, on a d’abord eu droit au MP3 tout pourri, etc., etc. Enfin, même si l’on nous vend le contraire par de belles promesses, les livres virtuelles une fois que le marché les aura acceptés vont signer la mort progressive du livre papier. Cela ne se fera pas peut-être de notre vivant, mais cela se fera… Et ceux qui prétendent le contraire se trompent. Je sais, mon avis est celui d’un vieux grincheux 🙂

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    1. Merci de nous faire partager ton avis, aussi alarmiste soit-il ! 🙂
      Je pense sincèrement que livres papier et livres numériques peuvent coexister et que l’un ne va pas forcément supplanter l’autre. Je pense qu’il faut laisser sa chance au livre numérique qui, pour l’instant, n’est pas si répandu que ça. C’est un nouveau support de la pensée, les amoureux de la littérature et de l’édition devraient être enthousiasmés par les nouvelles possibilités créatives qu’il offre, au lieu de le craindre et de le condamner par avance.

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      1. Hehe, j’avais bien bien dis être un vieux grincheux 🙂
        À chaque fois qu’un type d’art est dématérialisé, les discours sont les mêmes à savoir que les différents modes de diffusion vont coexister. Force est de constater que le CD audio est en train de mourir lentement, mais sûrement et acheter un CD deviendra aussi anecdotique qu’acheter un disque vinyle. Tout le monde s’accorde à dire aujourd’hui qu’il n’y aura plus de support après le Blu-ray alors qu’au début tout le monde disait qu’il y avait de la place pour tout le monde, etc., etc. Aujourd’hui, certes, le livre dématérialisé a un peu plus de mal à s’imposer, mais quand il le fera, il assassinera le livre papier et les discours aujourd’hui rassurants vont vite être oublié.. Qui se souvient qu’à l’époque de la sortie du premier iPod des premiers discours affirmant que le CD audio ne pâtirait pas de cette nouvelle technologie ?

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    2. Mais c’est vrai que tu es grincheux 🙂
      Plus sérieusement, je persiste à penser que le livre papier subsistera pour la simple raison qu’il est support et contenu à la fois, et c’est dans cette perspective que ton analogie avec le CD ne fonctionne pas. Un CD est illisible sans lecteur CD, de même qu’un MP3 est illisible sans lecteur MP3 (iPod, PC…). Or, le livre papier ne nécessite pas d’un lecteur particulier pour être lisible car il est son propre support, ce qui lui confère une spécificité unique.
      De plus, il n’y a pas d’attachement chez les mélomanes à l’objet-CD comme il y a un attachement chez les lecteurs à l’objet-livre. D’après le court échantillon d’avis émis ici, on peut remarquer que les lecteurs entretiennent un lien affectif et sensoriel avec le livre papier. Je pense que les mélomanes ne partagent pas cet attachement, même avec l’objet-vinyle qui met quand même du temps à s’éteindre, malgré sa mort annoncée par l’avènement de la cassette !

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      1. Et aussi sur le fait que le sujet soit intéressant… Tu m’as donné l’idée d’écrire un article (grincheux) sur le livre tablette et j’espère que tu viendras me titiller avec tes arguments 🙂

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    3. @Goran : le livre numérique est un fichier, il suffit donc de télécharger le fichier sur son ordinateur (en plus de sa liseuse) et personne ne peut plus vous le prendre. Vous contrôlez aussi sa sauvegarde sur un autre support.
      Les seules limites sont les verrous numériques (DRM) mais ils sont un choix éditorial, pas une fatalité (d’ailleurs, certains éditeurs n’en mettent pas). A noter que sans verrous, les livres sont convertibles, et peuvent donc être lus sur n’importe quel support (on peut lire un epub converti sous Kindle).

      Côté qualité, je ne pense pas que le livre numérique est comparable au MP3. Il n’y a pas de perte de qualité avec le numérique, au contraire. Pour les personnes presbytes, c’est un gain de pouvoir agrandir les caractères et les lire sans difficulté, lunettes ou loupes. C’est la particularité des livres par rapport à la musique ou au cinéma : c’est dans notre tête que prend forme le contenu. Une fois le confort de lecture acquis, la qualité dépend davantage du lecteur que du support. Pour certains, la meilleure qualité de texte passe donc par la liseuse.

      C’est pour cette raison que j’espère que la lecture numérique continuera à se développer, pas pour remplacer le papier, mais pour le compléter et apporter d’autres usages, d’autres conforts.

      Une visiteuse occasionnelle

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  4. Merci pour votre témoignage qui me parait bien utile. Je n’idolâtre pas les livres non plus. J’en ai beaucoup, dans des bibliothèques, dans des piles sur les meubles, des piles au sol, partout. Voilà, ils envahissent l’espace, c’est un problème. Si je peux les avoir d’occasion en bon état, ça me va. J’en prends soin mais sans plus, je peux y prendre des notes au crayon à papier mais jamais les corner (je tiens ça de mon enfance). Une liseuse me serait bien utile, je l’avoue, surtout lorsque le livre est un pavé comme le dernier Vollmann que je fatigue à tenir. Mais, voilà, j’aime le papier, pas pour son odeur, mais pour son toucher. Alors j’ai une pseudo réticence (bien fragile, avouons-le). D’ailleurs, j’adore les sculptures creusées dans les livres comme il en existe. C’est dire à quel point j’aime le support papier et que je ne fais pas d’amalgame entre le contenu du livre et l’objet. Je pourrais donc venir à la liseuse, sans doute, jusqu’à maintenant je ne savais pas laquelle acheter, vu que je suis « anti »-amazon, je prendrais sans doute la Kobo, puisque vous avez l’air d’en être satisfaite. Alors un jour peut-être…

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    1. Merci pour votre commentaire. Il y a quelques mois, j’étais à peu près dans le même état d’esprit que vous.
      Au départ, j’ai été très réticente au livre numérique, et puis, j’ai vu une vidéo du roman The Familiar de Danielewski dans sa version numérique, montrant un calligramme animé de la pluie (j’en parle dans un commentaire plus haut). Là, je me suis dit que l’édition numérique nous promettait de belles surprises. Et enfin, je me suis laissée séduire par le côté « gadget », et les arguments de prix et de place matérielle. Aujourd’hui, je sais que je vais lire des ebooks tout en continuant à lire des livres papier.

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      1. C’est vrai que cette forme numérique offre maintes possibilités très alléchantes, et que ça évolue. Le problème c’est qu’on ne peut pas prêter les livres et que les livres ne nous appartiennent pas vraiment, je crois, comme la musique sur itunes. Comment dans un couple, par exemple, dans lequel chacun aurait sa liseuse, comment se prêter un livre, est-ce possible ? Cependant c’est vrai que si on peut voir du Danielewski en mouvement, c’est très tentant. Ma fille me demandait récemment ce que je voulais pour mon prochain anniversaire… un beau cadeau que son frère et elle pourraient me faire. Il faut que je vois la bibliothèque des titres disponibles… merci, en tout cas, pour cette ouverture.

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      2. Une question toutefois, je remarque que j’ai payé moins cher le dernier Vollmann (que j’ai eu d’occasion dans une librairie parisienne (en parfait état)) que le prix donné sur liseuse. Bon, mais, lorsqu’un livre parait en poche, est-ce que le prix baisse aussi du côté des ebooks ?

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    2. Effectivement, on ne peut pas se prêter d’ebooks d’une liseuse à une autre dès lors qu’ils sont verrouillés avec des DRM et c’est fort dommage. Peut-être que cela va évoluer au fils des ans et qu’on pourra transférer nos fichiers ePub d’une liseuse à une autre ? Pour l’instant, on peut juste prêter sa liseuse avec le fichier ePub !

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    3. Concernant le prix des ebooks et précisément sa baisse de prix lorsque le livre papier parait en poche, je n’en ai pas la moindre idée ! J’ai acheté dernièrement « Et quelquefois j’ai comme une grande idée » de Ken Kessey sorti en poche en octobre 2015, et son prix en ebook n’avait pas encore baissé. Je l’ai donc acheté en papier (et elle est, au passage, très belle, cette édition de poche chez Monsieur Toussaint Louverture). Je pense que tout dépend de l’éditeur. Le livre numérique est soumis à la loi du prix unique du livre, aussi son tarif dépend des choix de son éditeur.

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      1. D’accord, merci. Je crois qu’il faut simplement apprendre à jongler au mieux entre livres papier et ebooks. Prendre ce qui nous convient dans ce qui est disponible au moment où on veut le livre. C’est quand même pratique de partir avec une liseuse dans le sac plutôt qu’un gros bouquin, ne pas emporter le livre qu’on est en train de lire parce que trop lourd dans le sac, je le ressens comme une frustration. Votre article et commentaires me sont fort utiles.

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      2. Je peux répondre : pour le moment, le prix de l’ebook reste rattaché au grand format. C’est un choix des principaux éditeurs (pas tous heureusement) pour « soutenir le livre de poche ». (je vous laisse juger de l’opportunité de cette décision).

        Les DRM sont un plaie. Là encore, cela dépend des éditeurs. Certains commencent à comprendre que c’est une ineptie. Heureusement, il y a certains d’entre eux qui depuis longtemps ont opté pour le tatouage (pour lutter contre le piratage), et les livres marqués peuvent passer d’une liseuse à l’autre sans limite. On peut donc partager ses lectures dans le cercle familial.

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    4. Ça me fait bien plaisir que ce billet vous soit utile. Acheter une liseuse ne signifie pas renoncer au livre papier, mais simplement pouvoir choisir et « jongler » entre livre papier et livre numérique, comme vous le remarquez si justement. Il ne s’agit que d’un média, à nous de l’adapter à nos propres besoins.

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  5. Bonjour,

    Merci pour ce point de vue intéressant et abondamment argumenté. J’ai l’impression qu’en filigrane, derrière la question « Est-ce qu’un livre électronique est un livre ? », se cache la question « Un livre électronique vaut-il un livre physique ? ». Ainsi, dans les réactions ci-dessus, on sent que ceux qui répondent non à la première question le font parce qu’ils répondent non à la seconde.

    Pour ma part je réponds non à la première : un livre est simplement un support physique en papier, sur lequel une oeuvre est imprimée. Un livre électronique stocke cette meme oeuvre sous forme dématérialisée. De meme, un album musical sous forme de fichiers MP3 n’est pas un disque.

    Ceci dit, concernant la seconde question, je n’ai pas de préférence particulière entre les deux. La liseuse m’apporte un confort de lecture que j’ai rarement rencontré avec le papier, tandis que le papier reste indispensable dans certains cas, pour une BD, par exemple. Et il y a aussi des ouvrages qui se feuillettent…

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    1. Non, derrière la question « Un livre numérique est-il un livre ? », il ne se cache pas d’autre question, du moins pas volontairement : je trouve que la comparaison entre livre papier et livre numérique n’est pas très pertinente. Je n’ai pas souhaité faire l’inventaire des qualités et défauts des livres papier et numériques dans la mesure où, si je me fie à mon expérience, peu de choses les différencient au final. Mais effectivement, plusieurs réactions tendent à montrer que ceux qui ne considèrent pas le livre numérique comme un livre sont ceux qui n’aiment pas lire sur liseuse, et inversement. Merci d’avoir pointer cet amalgame.

      Je m’étais posé la question de la difficulté à feuilleter un ebook, et votre remarque est intéressante : néanmoins, je trouve que le livre numérique se feuillette facilement, notamment à travers la navigation par chapitres. De même, je suis persuadée que la BD n’a pas besoin de papier pour s’épanouir : je vous renvoie aux nombreux blogs tenus par des dessinateurs et auteurs de BD comme Boulet, Marion Montaigne, Pénélope Bagieu, Zach Weiner, etc.

      Dans ce billet, invoquer mon avis personnel n’était finalement qu’un prétexte pour dédiaboliser le livre numérique. Cependant, ce débat, autour de la nature livresque des ebooks, n’a plus lieu d’être depuis longtemps dans la mesure où le livre est admit juridiquement « comme un ensemble contenant des écrits, illustré ou non, qui reproduit une œuvre de l’esprit d’un ou plusieurs auteurs en vue de l’enseignement, de la diffusion de la pensée et de la culture, quel qu’en soit le support physique : sous forme papier, audio ou numérique ». De cette manière, un livre numérique est fiscalement l’égal du livre papier, comme le livre audio d’ailleurs. Pour le reste, ce n’est qu’une question totalement subjective de goût. Merci de nous avoir fait partager votre avis sur la question 🙂

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  6. Il faut lire l’excellent livre de Mickael Parisi intitulé Néant et disponible seulement en ebook sur Amazon. Ce livre est la preuve vivante des qualités de lebook puisque certains auteurs n’ont pas la chance d’etre publiés, non pas pour la qualité du livre, mais parce que les maisons deditions ne prennent pas de risque et sont frileux avec des livres comme Neant qui peut vite etre une polemique.
    Je vous le conseille pour que vous puissiez juger par vous meme.
    Bon weekend a tous

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  7. Merci pour ce billet dont je partage l’idée générale.
    Juste une précision concernant les liseuses et celle que vous avez choisie: autant Amazon et Kindle sont liés (Amazon est le priopriétaire de Kindle) autant Fnac et Kobo n’ont rien de tel. Fnac est « juste » le principal revendeur de ces liseuses (tel un Darty, Boulanger, ou même… Amazon) et de son contenu, mais aucun lien entre les deux entreprises.

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    1. Merci pour votre commentaire et cette précision : effectivement, j’ai accès à la librairie Kobo depuis ma liseuse et j’ai pu constater qu’elle n’avait aucun lien avec celle de la Fnac.

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  8. Pour être plus précis, elles ont le lien suivant: c’est le même catalogue. Vous pouvez en outre utiliser votre compte Fnac sur la liseuse (et même sur le site de Kobo) pour accéder à votre librairie. Mais l’offre est la même.

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      1. Je peux même être plus précise.

        On peut acheter un epub dans toutes les librairies numériques (sauf Amazon et Apple) et les installer sur sa liseuse (en passant par Adobe Digital Edition s’il y a un DRM).

        Les librairies offrent en plus un espace de stockage où les livres achetés sont conservés et peuvent être rechargés. Il suffit de toujours faire une copie du livre sur son ordinateur et considérer ce dernier comme sa bibliothèque pour n’avoir aucun lien avec son libraire en ligne.

        Le rattachement de la liseuse Kobo à la Fnac est totalement fictif. C’est une information volontairement incomplète qui est donné au consommateur dans la publicité, pour lui faire croire qu’il est obligé d’acheter ses livres sur le site fnac.com (site calamiteux, le pire de toutes les librairies en ligne que j’ai testé en terme d’ergonomie).

        Vous pouvez donc choisir la librairie en ligne de votre choix pour vos achats (éventuellement un site rattaché à une librairie physique, pour soutenir les libraires).

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  9. Bel article et belle plume qui ressemble un peu à celui-ci posté plus récemment : http://www.liseuses.net/livre-papier-contre-ebook-pourquoi-tant-de-haine/

    Sauf que chez vous c’est moins agressif quand même !

    Si je prends mon cas particulier, je dirais que les deux se valent. J’aime autant les liseuses que les livres poches (bof pour les grands formats) et au final, comme vous l’expliquez si bien, une fois qu’on est plongé dans le texte on oublie le support.

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  10. Je viens de recevoir une Kindle en cadeau. Je suis toute contente, même si cela va changer ma façon d’acheter des livres. J’avais l’habitude de chiner des livres d’occasion chez Emmaüs ou en vide-grenier. 🙂 Article très complet, très intéressant en tout cas. Merci 🙂

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  11. Habitant dans une région ultra-périphérique, j’ai opté pour une liseuse Kindle lors d’un voyage il y a quelques années. Etre enchaînée à Amazon ne me ravit pas, je l’avoue. Mais au moment où je l’ai achetée, il m’avait semblé que, quelqu’aurait été mon choix, j’aurais été liée à un grand marchand. J’ai opté pour celui qui me semblait avoir le plus grand catalogue de livres anglophones.

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    1. Le livre numérique s’est effectivement développé, et l’on voit de nos jours de plus en plus de libraires indépendants en proposer dans leur catalogue. Ce n’était sans doute pas le cas il y a quelques années. Merci pour votre commentaire.

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  12. Je me retrouve tout à fait dans votre billet concernant la coexistence entre livre papier et livre numérique.

    J’ajouterai (je ne sais pas si ça a été soulevé par les commentaires ne les ayant pas tous lu) qu’il y a un aspect « dématérialisant » de la liseuse auquel on ne prête pas forcément attention et qui me semble très important que ce soit pour s’en réjouir ou le déplorer :

    Le fait qu’un lecteur, que celui-ci s’apprête à lire « Le chef-d’oeuvre inconnu » ou « Les mémoires de Casanova », n’a pas la sensation – quoi qu’il en ait conscience – de la durée de la lecture dans laquelle il se lance. Le poids n’est plus l’unité de mesure en numérique (tous les textes naissent et demeurent libres et égaux en poids…).
    Il y a là un apport qui est une pure invention de la liseuse et qui est fatalement un changement notable comparé à la pratique du livre papier.
    Cela vous permet d’aborder la lecture d’un pavé avec la même inconscience et légèreté que celle d’une brochure IKEA.
    Je ne sais pas exactement comment mieux définir cette sensation, mais pour ma part, il me semble que la perte de notion de durée entre texte court et texte long me recentre davantage sur la spécificité de leur contenu respectif durant ma lecture.
    C’est la dramaturgie interne à chaque texte qui devient alors le seul véritable indicateur temporel de celle-ci.

    Pour autant j’alterne régulièrement avec le livre papier, car la liseuse, à la longue, provoque un certain sentiment de fébrilité, on ne peut s’empêcher de craindre l’éventuel bug, la batterie à plat, toutes ces instabilités qu’aucun lecteur de livre imprimé n’a eu jusqu’alors à redouter.

    Prenant mon propre cas pour une généralité, je mise donc aussi pour une cohabitation durable entre imprimerie et numérique.

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    1. Merci pour votre commentaire. Effectivement, la notion de « poids » est absente de l’édition numérique, mais cette dimension me paraît quand même très relative dans l’édition papier : taille, grand format et format de poche, taille de caractère, police, qualité du papier, etc. sont autant de critères qui rendent la correspondance entre poids du livre et durée de lecture très relative. Je ne sais pas si c’est le cas de de toutes les liseuses, mais sur la mienne, il est fait mention d’une durée de lecture (approximative, bien sûr) qui permet de mesure quantitativement l’ouvrage que l’on lit. Mais vous avez raison, mieux vaut se centrer sur son aspect qualitatif et la temporalité diégétique des œuvres 🙂 Comme vous, je mise sur une cohabitation entre livre numérique et livre papier, moi-même étant cliente des deux ! D’ailleurs, je ne connais personne qui ne lit QUE des ebooks !

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