Les Lieux de Georges Perec, une œuvre éclatée

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Georges Perec photographié par Pierre Getzler

L’ensemble de l’œuvre de Georges Perec témoigne de son goût prononcé pour la description, l’énumération et l’exhaustivité, ainsi que pour une écriture méthodique et contrainte. C’est dans cette optique de l’écrivain OuLiPien entame en 1969 un projet colossal d’écriture d’un genre nouveau : pendant 12 ans, il décrira précisément 12 lieux parisiens au rythme de 2 lieux par mois, afin d’élaborer quelques 288 textes mettant en exergue l’influence du temps sur la ville, mais aussi sur l’écrivain lui-même et sur son écriture. Cette œuvre, malheureusement inachevée, devait s’intituler Les Lieux. Je vous propose ici de découvrir la genèse de ce texte et ses œuvres de remplacement.

Genèse des Lieux de Georges Perec

En 1974, Georges Perec explique dans son étonnant ouvrage Espèces d’espaces, texte dans lequel l’auteur examine son rapport à l’espace dans toutes ses dimensions, un projet d’écriture entamé en 1969 et qu’il compte poursuivre durant 12 années. Voici l’extrait :

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Parmi les amis photographes qui ont accompagné Perec sur les « lieux », Pierre Getzler a livré certains de ces clichés savoureux !

En 1969, j’ai choisi, dans Paris, 12 lieux (des rues, des places, des carrefours, un passage), ou bien dans lesquels j’avais vécu, ou bien auxquels me rattachaient des souvenirs particuliers.
J’ai entrepris de faire, chaque mois, la description de deux de ces lieux. L’une de ces descriptions se fait sur le lieu même et se veut la plus neutre possible : assis dans un café, ou marchant dans la rue, un carnet et un stylo à la main, je m’efforce de décrire les maisons, les magasins, les gens que je rencontre, les affiches, et, d’une manière générale, tous les détails qui attirent mon regard. L’autre description se fait dans un endroit différent du lieu : je m’efforce alors de décrire le lieu de mémoire, et d’évoquer à son propos tous les souvenirs qui me viennent, soit des événements qui s’y sont déroulés, soit des gens que j’y ai rencontrés. Lorsque ces descriptions sont terminées, je les glisse dans une enveloppe que je scelle à la cire. A plusieurs reprises, je me suis fait accompagner sur les lieux que je décrivais par un ou une ami(e) photographe qui, soit librement, soit sur mes indications, a pris des photos que j’ai alors glissées, sans les regarder (à l’exception d’une seule) dans les enveloppes correspondantes ; il m’est arrivé également de glisser dans ces enveloppes divers éléments susceptibles de faire plus tard office de témoignages, par exemple des tickets de métro, ou bien des tickets de consommation, ou des billets de cinéma, ou des prospectus, etc.
Je recommence chaque année ces descriptions en prenant soin, grâce à un algorithme auquel j’ai déjà fait allusion (bicarré latin orthogonal, celui-ci étant d’ordre 12), premièrement, de décrire chacun de ces lieux en un mois différent de l’année, deuxièmement, de ne jamais décrire le même mois la même couple de lieux.
Cette entreprise, qui n’est pas sans rappeler dans son principe « bombes du temps », durera donc douze ans, jusqu’à ce que tous les lieux aient été décrits deux fois douze fois. Trop préoccupé, l’année dernière, par le tournage de « Un homme qui dort » (dans lequel apparaissent d’ailleurs, la plupart de ces lieux), j’ai en fait sauté l’année 73 et c’est donc seulement en 1981 que je serai en possession (si toutefois je ne prends pas d’autre retard…) des 288 textes issus de cette expérience. Je saurai alors si elle en valait la peine : ce que j’en attends, en effet, n’est rien d’autre que la trace d’un triple vieillissement : celui des lieux eux-mêmes, celui de mes souvenirs, et celui de mon écriture.

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Georges Perec photographié par Pierre Getzler

Il s’agit pour Perec de s’interroger sur le temps, de le figer en quelques instantanés, comme des photographies textuelles. L’espace urbain choisi lui permet de dépeindre l’extraordinaire banalité de la vie quotidienne, de décrire l’insignifiant, l’ordinaire, l’anodin. Il s’acharne à inventorier de manière méthodique, avec une irrépressible volonté d’exhaustivité, ces lieux banals, pratiques, de passage, s’interrogeant sur ce lien paradoxal entre la ville qu’on ne voit plus et le regard qu’on lui porte. La description perecquienne se veut significative de l’espace, mais aussi du temps : c’est l’évolution, l’usure, le vieillissement, non seulement des lieux, mais aussi de lui-même, Georges Perec, et de son écriture, que l’écrivain cherche à explorer et à examiner dans les moindres détails.

Pour cela, il s’impose plusieurs contraintes d’écriture : d’une part, les contraintes spatio-temporelles des 12 lieux et des 12 années, mais aussi des contraintes de permutations de manière à pouvoir décrire chaque lieu 12 fois pour les 12 mois constituant une année ; d’autre part, les contraintes pragmatiques amènent l’auteur à décrire les lieux en direct, in situ, mais aussi de manière rétrospective, par le biais de la mémoire. Les textes sont alors enfermés dans des enveloppes scellées de manière à ne pas influencer l’auteur. Aujourd’hui, les 133 enveloppes scellées par Perec sont la bibliothèque de l’Arsenal, à Paris, à l’abri du regard du public…

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Georges Perec photographié par Pierre Getzler

Lors d’une interview diffusée dans l’émission Chemins, sur Antenne 2, le 22 mars 1976, Georges Perec présente ce projet des Lieux. On y découvre alors les fameuses enveloppes scellées que Perec étreint précautionneusement. Comme c’est toujours un plaisir d’écouter et de voir ce génie de la littérature, je vous laisse profiter de l’extrait de cette émission qui nous intéresse que vous pouvez visionner en suivant ce lien :

Extrait de l’émission Chemins du 22 mars 1976 : Perec évoque Les Lieux

Les œuvres de remplacement autour des lieux

L’ambitieux projet des Lieux ne verra malheureusement pas le jour, l’expérience ayant pris fin en 1975. Néanmoins, ce travail n’a pas été vain, au contraire, il a été relayé par d’autres projets descriptifs, d’autres textes et d’autres expériences.

Tentative de description de quelques lieux parisiens

Pour Tentative de description de quelques lieux parisiens, Perec choisi 5 des 12 lieux initialement sélectionnés et compose, pour chacun, un texte regroupant ceux qu’il a déjà rédigé. Les 5 textes obtenus sont alors publiés dans des revues et journaux très hétéroclites sous les titres suivants : Guettées (Les Lettres nouvelles, n°1), Vues d’Italie (Nouvelle Revue de psychanalyse, n°16), La rue Vilin (L’Humanité, n° du 11 novembre 1977), Allées et venues rue de l’Assomption (L’Arc, n°76), Carrefour Mabillon (Action poétique).

Dans cette perspective éditoriale, Perec a renoncé à la nature même de son projet initial : les textes ne font pas apparaître ceux du souvenir ni les liens établis entre les lieux ni la notion de vieillissement de l’écriture. Les textes sont, certes, tels qu’ils étaient au moment d’être enfermés dans leurs enveloppes scellées, n’ayant subi qu’une « mise au net », mais la dimension temporelle, son impact sur l’écriture, est ici abandonnée. On peut cependant y voir un impact autre du temps sur la description dans ce qu’elle a de littéraire : la description est traditionnellement un moment de pause dans le récit, un temps dans la narration où, justement, le temps est suspendu. Dans Tentative de description de quelques lieux parisiens, chaque lieu est décrit selon plusieurs fragments de temps, à des dates différentes, comme les pièces d’un puzzle qu’il faudrait joindre pour découvrir l’essence du lieu dépeint.

Tentative d’épuisement d’un lieu parisien

Ce groupement fait écho à un autre texte de Perec, issu néanmoins d’une toute autre performance d’écriture : Tentative d’épuisement d’un lieu parisien, paru en 1975 dans la revue Cause commune. Ce texte a été rédigé pendant 3 jours, en octobre 1974, de place Saint-Sulpice dans le 6e arrondissement de Paris. À des moments différents de la journée, Perec s’emploie à décrire, d’inventorier même, tout ce qu’il voit sous la forme de listes. En voici un extrait :

La date : 18 octobre 1974
L’heure 10 h. 30
Le lieu Tabac Saint-Sulpice

Le temps : Froid sec. Ciel gris. Quelques éclaircies.

Esquisse d’un inventaire de quelques-unes des choses strictement visibles :
— Des lettres de l’alphabet, des mots « KLM » (sur la pochette d’un promeneur), un « P » majuscule qui signifie « parking » « Hôtel Récamier », « St-Raphaël », « l’épargne à la dérive », « Taxis tête de station », « Rue du Vieux-Colombier », «Brasserie-bar La Fontaine Saint-Sulpice », « PELF », «Parc Saint-Sulpice ».
— Des symboles conventionnels : des flèches, sous le « P » des parkings, l’une légèrement pointée vers le sol, l’autre orientée en direction de la rue Bonaparte (côté Luxembourg), au moins quatre panneaux de sens interdit (un cinquième en reflet dans une des glaces du café).
— Des chiffres : 86 (au sommet d’un autobus de la ligne no 86, surmontant l’indication du lieu où il se rend : Saint-Germain-des-Prés), 1 (plaque du no 1 de la rue du Vieux-Colombier), 6 (sur la place indiquant que nous nous trouvons dans le 6e arrondissement de Paris).
— Des slogans fugitifs : « De l’autobus, je regarde Paris »
— De la terre : du gravier tassé et du sable.
— De la pierre : la bordure des trottoirs, une fontaine, une église, des maisons…
— De l’asphalte
— Des arbres (feuilles, souvent jaunissants)
— Un morceau assez grand de ciel (peut-être 1/6 de mon champ visuel)
— Une nuée de pigeons qui s’abat soudain sur le terre-plein central, entre l’église et la fontaine
— Des véhicules (leur inventaire reste à faire)
— Des êtres humains
— Une espèce de basset
— Un pain (baguette)
— Une salade (frisée ?) débordant partiellement d’un cabas

Trajectoires :
Le 96 va à la gare Montparnasse
Le 84 va à la porte de Champerret
Le 70 va Place du Dr Hayem, Maison de l’ORTF
Le 86 va à Saint-Germain-des-Prés

Exigez le Roquefort Société le vrai dans son ovale vert

Aucune eau ne jaillit de la fontaine. Des pigeons se sont posés sur le rebord d’une de ses vasques.
Sur le terre-plein, il y a des bancs, des bancs doubles avec un dosseret unique. Je peux, de ma place, en compter jusqu’à six. Quatre sont vides. Trois clochards aux gestes classiques (boire du rouge à la bouteille) sur le sixième.

Le 63 va à la Porte de la Muette
Le 86 va à Saint-Germain-des-Prés
Nettoyer c’est bien ne pas salir c’est mieux
Un car allemand
Une fourgonnette Brinks
Le 87 va au Champ-de-Mars
Le 84 va à la porte de Champerret

Couleurs :
rouge (Fiat, robe, St-Raphaël, sens uniques)
sac bleu
chaussures vertes
imperméable vert
taxi bleu
deux-chevaux bleue

Le 70 va à la Place du Dr Hayem, Maison de l’ORTF
méhari verte
Le 86 va à Saint-Germain-des-Prés : Yoghourts et desserts
Exigez le Roquefort Société le vrai dans son ovale vert
La plupart des gens ont au moins une main occupée : ils tiennent un sac, une petite valise, un cabas, une canne, une laisse au bout de laquelle il y a un chien, la main d’un enfant.
Un camion livre de la bière en tonneaux de métal (Kanterbraü, la bière de Maître Kanter)
Le 86 va à Saint-Germain-des-Prés
Le 63 va à la Porte de la Muette
Un car « Cityrama » à deux étages
Un camion bleu de marque Mercedes
Un camion brun Printemps Brummell
Le 84 va à la porte de Champerret
Le 87 va au Champ-de-Mars
Le 70 va Place du Dr Hayem, Maison de l’ORTF
Le 96 va à la G are Montparnasse
Darty Réal
Le 63 va à la Porte de la Muette
Casimir maître traiteur. Transports Charpentier.
Berth France SARL
Le Goff tirage à bière
Le 96 va à la G are Montparnasse
Auto-école
venant de la rue du Vieux-Colombier, un 84 tourne dans la rue Bonaparte (en direction du Luxembourg)
Walon déménagements
Fernand Carrascossa déménagements
Pommes de terre en gros
D’un car de touristes une Japonaise semble me photographier.
Un vieil homme avec sa demi-baguette, une dame avec un paquet de gâteaux en forme de petite pyramide
Le 86 va à Saint-Mandé (il ne tourne pas dans la rue Bonaparte, mais il prend la rue du Vieux-Colombier)
Le 63 va à la Porte de la Muette
Le 87 va au Champ-de-Mars
Le 70 va Place du Dr Hayem, Maison de l’ORTF
Venant de la rue du Vieux-Colombier, un 84 tourne dans la rue Bonaparte (en direction du Luxembourg)
Un car, vide.
D’autres Japonais dans un autre car
Le 86 va à Saint-Germain-des-Prés
Braun reproductions d’art
Accalmie (lassitude ?)
Pause.

Ici, Perec énumère, avec le souci du détail et la volonté d’exhaustivité qu’on lui connaît, dans un style lapidaire, tant et si bien que l’écriture prend des aspects vertigineux et hypnotiques, mais la lecture demeure souriante. Il est question de la vie ordinaire, des choses les plus anodines que nous offre le spectacle banal de la rue et de la vie. Perec met en exergue un paradoxe : la plénitude du rien, de l’insignifiant. Il ne se passe rien, mais ce « rien » est d’une richesse infinie.

Tentative de description de choses vues au carrefour Mabillon

Perec renouvelle cette expérience en 1978, mais dans un projet non plus textuel mais radiophonique qui entraîne de nouvelles contraintes : le 19 mai 1978, installé dans une camionnette studio, au carrefour Mabillon à Paris, à la hauteur du café l’Atrium, il va décrire à haute voix et en temps réel, pendant plus de six heures, le spectacle de la rue. Cette expérience s’appelle Tentative de description de choses vues au carrefour Mabillon.

Voici l’extrait radiophonique des 2 premières minutes de cette étonnante performance :

Cet enregistrement subira quelques transformations avant sa diffusion à la radio France Culture, le 25 février 1979 : la suppression de certaines séquences de cette description énoncée par Perec et l’adjonction d’inventaires écrits par lui-même et lus par Claude Piéplu. Il en résulte une émission de plus de deux heures.

La Clôture

La Clôture, recueil paru en 1980, permet à Perec de poursuivre l’expérience des Lieux par un projet à la fois poétique et photographique. Il s’agit d’une série de 17 poèmes dits « hétérogrammatiques », composés chacun de 12 vers de 12 lettres : ESARTULINOC, les 11 lettres les plus courantes de la langue française, et, en 12e lettre, une lettre blanche qui varie à chaque vers.

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Extrait de l’édition originale de La Clôture de Georges Perec

L’édition originale de ces 17 poèmes comprend également 16 photographies de Christine Lipinska, présentés sans pagination ni numérotation dans un coffret : ici, le lien entre texte et image est flou, le livre-objet est décomposé. Il s’agit en fait d’un double travail : La Clôture a pour thème la rue Vilin où Perec a vécu les premières années de sa vie : l’écrivain est venu plusieurs années dans cette rue pour tenter de décrire d’une part ses souvenirs liés à ce lieu, d’autre part les vestiges de ce qui fut autrefois une rue. Dans cette même rue, Christine Lipinska a photographié cette « clôture », entre autrefois et aujourd’hui, entre dehors et dedans, entre les lieux intimes et la rue. Cette rue Vilin est évidemment l’un des 12 Lieux appartenant au projet originel de Perec.

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Photographies de Christine Lipinska extraite de l’édition originale de La Clôture de Georges Perec

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Les Lieux d’une fugue

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Image extraite du court-métrage Les Lieux d’une fugue de Georges Perec

Les Lieux d’une fugue sont à la fois un récit autobiographique écrit par Perec en 1965 et son adaptation cinématographique, un court-métrage de 41 minutes, réalisé par l’auteur lui-même en 1978. Dans une mise en scène sobre et contemplative, privilégiant les travellings lents, Perec filme des lieux dans le quartier des Champs Élysées, ceux qu’enfant, il traversa lors d’une fugue de quelques heures. Aucun personnage n’apparaît, seulement la voix-off de Marcel Cuvelier évoquant les souvenirs de cette fugue, souvenirs nostalgiques, conférant à ces images de la rue un ton paradoxalement intimiste.

Un extrait du film est visible dans cette vidéo, à partir de 2mn30, vous pouvez la visionner en cliquant sur ce lien :

Extraite du court-métrage Les Lieux d’une fugue de Georges Perec

J’aime à penser que toutes ces œuvres sont issues de l’éclatement des Lieux qui n’a pas abouti, mais qui a fait naître de nouvelles expériences, de nouvelles performances témoignant toutes du goût de leur auteur pour la contrainte poussée à son extrême et aussi, qualité perecquienne par excellence, la difficulté maximum ! Mais surtout, en parlant des lieux, Perec nous parle du temps : le temps passé et le temps où l’on se souvient avec nostalgie, mélancolie ou douceur , le temps dans ce qu’il peut avoir d’instantané, le temps qui s’arrête, le temps qui file, hier, aujourd’hui et demain, le temps réel, le temps comme contrainte et, bien sûr, le temps qui manque.

Anne

Espèces d’espaces, Georges Perec, Galilée Édition, 2000, 24€
Tentative d’épuisement d’un lieu parisien, Georges Perec, Christian Bourgois Editeur, 2008, 5.05€
La Clôture et autres poèmes, Georges Perec, Hachette Littérature, 1992, 14.70€

12 commentaires

  1. Bravo pour cet article !
    Je viens de me lancer dans « La Vie mode d’emploi » et on retrouve de nombreux liens avec ce projet (les puzzles, les descriptions et les énumération…). Pour l’instant j’ai l’impression de naviguer à vue… A quand un article sur ce livre ?

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  2. Alors, ce n’est pas encore au programme, vu que c’est un gros morceau de la littérature ! Effectivement, la narration est éclatée, mais c’est lié à sa structure en puzzle. Si tu veux, Perec en parle très bien ici . Bonne lecture en tous cas !

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